El 14 de abril de 1931 la República fue proclamada en España después de que el rey Alfonso XIII, derrotado en las elecciones municipales, abandonara el país. Muchedumbres alborozadas bajaron por las calles. Esperaban que « la Niña bonita » cambiara su vida, procediera a la Reforma agraria (una aspiración secular), al reparto de las riquezas, devolviera a los pobres lo que los grandes propietarios, la oligarquía, la Iglesia, les habían robado, que nacionalizara los bancos, las grandes industrias…
La Segunda República cumplió reformas importantes en lo tocante a ciudadanía, educación, cultura, a salud, legislación del trabajo, derechos de las mujeres, pero tardó en atacarse al muro del dinero y de los privilegios ancestrales. Reprimió incluso motines campesinos que exigían una verdadera Reforma agraria. Pagó muy caro sus tergiversaciones frente a las clases dominantes. Cuando « la izquierda » no cumple sus promesas…En noviembre de 1933, las listas de derechas y de extrema-derecha ganaron las elecciones generales. Comenzaron entonces « dos años negros » de contra-revolución, de restauración oligárquica, de represión, de cierre de numerosas « Casas del pueblo », « Ateneos », de suspensión del salario mínimo, del estatuto de Cataluña, de la Reforma agraria, de aplastamiento de insurrecciones populares, y en particular de la « Revolución de Asturias » en octubre de 1934.
El proceso de transformación social solo fue reanudado por la acción de « los de abajo », los potentes sindicatos anarquistas de la CNT FAI y la socialista UGT (a la que se adhirieron los comunistas minoritarios), por la exigencia común de liberación de los 30 000 presos políticos, por la formación del Frente popular y la victoria electoral el 16 de febrero de 1936 de sus candidatos. La derecha republicana, muy moderada, daba la impresión de temer más a los « rojos », al pueblo, a las masas anarquistas, que la conspiración fascista en marcha. La República era considerada por una parte de los trabajadores, de los jornaleros como « burguesa ». Para otros, a pesar de sus limitaciones, llevaba en sí la esperanza de un porvenir mejor.
En la réplica al golpe de Estado fascista (de julio de 1936) civil y militar, en el antifascismo, comunistas, socialistas, anarquistas, sencillos republicanos, etc., vertieron su sangre, a pesar de sus conflictos fratricidas. Está bien visto hoy en día reescribir la historia y echar la culpa a esos conflictos dolorosos, de la responsabilidad de la derrota. Es redimir el conjunto de las fuerzas facciosas, la intervención masiva de Hitler y de Mussolini, la culpable « no-intervención » muy intervencionista, la coalición sediciosa : partidos políticos, inspirados por el modelo mussoliniano, falangistas, partidarios de Gil Robles, de la CEDA, de Calvo Sotelo, obispos, banqueros, « terratenientes », oficiales…Es olvidar Guernika, el « plan de aniquilamiento » de la España popular, el « genocidio » (Paul Preston) de clase…
Los cambios no pretendían establecer una « dictadura estalinista » en España, o « anarquista », o «el totalitarismo », o « la revolución », como lo repiten hasta la saciedad los historiadores « liberales », sino hacer menos dura la vida, más justa, « democratizar » el país…Ya era insoportable para los pudientes. Los « revisionistas » llevan una batalla muy política en lo que se refiere no solo al pasado, sino sobre todo a los desafíos políticos actuales.
Para celebrar el 14 de abril de 1931 de modo ofensivo, sin mitificación, ni nostalgia excesiva, para celebrar sin restringirse a la dimensión de víctimas, sentimental, de la memoria, hay que luchar con el fin de desenmascarar el revisionismo, militar por un proceso constituyente, por una consulta refrendaria sobre la Tercera República española social, federal (o confederal), para devolver el poder al pueblo, para acabar con la monarquía, para el derecho a la autodeterminación de las « naciones históricas », para una España por fin plural, una España de todas las España(s), etc.
La guerra de España suscitó tantas pasiones, la memoria conlleva tantos desafíos, que hoy en día todavía más que ayer hay que « conmemorar », por cierto, pero EN PRESENTE. Hay conmemoraciones, llenas de buenas intenciones, que pueden enterrar el sentido bajo la celebración formal.
Jean Ortiz
(Traducción Rose-Marie Serrano)
Comment célébrer la République espagnole ( 14 avril 1931)
Le 14 avril 1931 la République était proclamée en Espagne après que le roi Alphonse XIII, battu aux élections municipales, a quitté le pays. Des foules en liesse descendent dans les rues. Elles attendent que « la Niña bonita » change leur vie, procède à la Réforme agraire (une aspiration séculaire), à la répartition des richesses, rende aux pauvres ce que les grands propriétaires, l’oligarchie, l’Eglise, leur ont volé, qu’elle socialise les banques, les grandes industries...
La Deuxième République réalise des réformes importantes en matière de citoyenneté, d’éducation, de culture, de santé, de législation du travail, de droits des femmes, mais elle tarde à s’attaquer au mur de l’argent et des privilèges ancestraux. Elle réprime même des soulèvements paysans qui exigent une vraie Réforme agraire. Elle paie très cher ses atermoiements face aux classes dominantes. Quand « la gauche » ne tient pas ses promesses... En novembre 1933, les listes de droite et d’extrême-droite gagnent les élections générales. Commencent alors « deux années noires » de contre-révolution, de restauration oligarchique, de répression, de fermeture de nombreuses « Casas del pueblo », « Ateneos », de suspension du salaire minimum, du statut de la Catalogne, de la Réforme agraire, d’écrasement d’insurrections populaires, et notamment de « la révolution des Asturies » en octobre 1934.
Le processus de transformation sociale ne sera repris que par l’action de « ceux d’en bas », les puissants syndicats anarchistes de la CNT FAI et la socialiste UGT (à laquelle adhèrent les communistes, minoritaires), par l’exigence commune de libération des 30 000 prisonniers politiques, par la formation du Front populaire et la victoire électorale le 16 février 1936 de ses candidats. La droite républicaine, fort modérée, donne l’impression de craindre davantage les « rouges », le peuple, les masses anarchistes, que la conspiration fasciste en marche. La République est considéré par une partie des travailleurs, des journaliers, comme « bourgeoise ». Pour d’autres, malgré ses limites, elle porte en elle l’espoir d’un avenir meilleur.
Dans la riposte au coup de force fasciste (de juillet 1936) civil et militaire, dans l’antifascisme, communistes, socialistes, anarchistes, simples républicains, etc., versent leur sang, malgré leurs conflits fratricides. Il est de bon ton aujourd’hui de réécrire l’histoire, et de faire porter à ces conflits, douloureux, la responsabilité de la défaite. C’est dédouaner l’ensemble des forces factieuses, l’intervention massive d’Hitler et de Mussolini, la coupable « non intervention » très interventionniste, la coalition séditieuse : partis politiques, inspirés par le modèle mussolinien, phalangistes, partisans de Gil Robles, de la CEDA, de Calvo Sotelo, évêques, banquiers, « terratenientes », officiers... C’est oublier Gernika, le « plan d’anéantissement » de l’Espagne populaire, le « génocide » (Paul Preston) de classe...
Les changements ne visent pas à établir une « dictature stalinienne » en Espagne, ou « anarchiste », ou « le totalitarisme », ou « la révolution », comme le répètent à satiété les historiens « libéraux », mais à rendre la vie moins dure, plus juste, à « démocratiser » le pays... C’est déjà insupportable pour les nantis. Les « révisionnistes » mènent une bataille très politique concernant non le seul passé, mais surtout les enjeux politiques actuels.
Pour célébrer le 14 avril 1931 de façon offensive, sans mythification ni nostalgie excessive, pour célébrer sans en rester uniquement à la dimension victimaire, sentimentale, de la mémoire, il faut mener bataille afin de démasquer le révisionnisme, militer pour un processus constituant, pour une consultation référendaire sur une Troisième République espagnole sociale, fédérale (ou confédérale), pour rendre le pouvoir au peuple, pour en finir avec la monarchie, pour le droit à l’autodétermination des « nations historiques », pour une Espagne enfin plurielle, une Espagne de toutes les Espagne(s), etc.
La guerre d’Espagne a suscité tellement de passions, la mémoire porte tellement d’enjeux, qu’aujourd’hui plus encore qu’hier il faut « commémorer », certes, mais AU PRESENT. Il y a des commémorations, pleines de bonnes intentions, qui peuvent enterrer le sens sous la célébration formelle.
Jean Ortiz
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